2007 marque une date repère dans la destruction de l’ESR. Déjà minée par l’augmentation de la part de financement « sur projet » (création de l’ANR en 2005) au détriment du financement récurrent, il s’agissait de donner aux présidents d’Université une stature de chef d’entreprise (toujours très dépendant du politique, ne nous leurrons pas), afin d’augmenter les actions en direction du monde économique (SATT, services de communication, fondations…) au détriment des missions premières de l’ESR. Les conséquences néfastes n’ont pas tardé, mise en concurrence des chercheurs (primes « au mérite » par exemple), pilotage de la recherche par la bibliométrie et l’argent opaque du grand emprunt1, précarisation des personnels, désorganisation des services.
Fin 2018, le lancement des établissements expérimentaux (EPE) a apporté une pierre essentielle à l’édifice en offrant la possibilité de déroger au code de l’éducation et de se débarrasser du peu de collégialité qui restait dans les universités et la LPR (loi de programmation de la recherche, 2021) permet notamment des recrutements d’enseignants-chercheurs sans passer par le CNU (tenure-tracks).
Au printemps 2024, une nouvelle étape est franchie par la ministre de l’ESR Mme Retailleau. La doctrine néo-libérale devient seule maîtresse à bord, les universités et organismes de recherches sont intimés de rentrer dans le moule du Saint Marché. Les nouvelles coupes budgétaires poussent à se vendre aux grandes entreprises, en contrepartie d’une recherche toujours plus appliquée et d’un enseignement au service du monde économique (ex. l’approche par compétence, c’est-à-dire l’enseignement au service exclusif du monde du travail, la fermeture de filière non-rentables).En cohérence avec la doctrine néo-libérale, le rôle de l’état n’est plus de soutenir son service public mais de le forcer à rentrer dans un marché dont le but, comme ailleurs, est de
rapporter de l’argent aux investisseurs privés.
En cet automne 2025, ces annonces ne sont pas des paroles vides et de nombreux dispositifs les accompagnent afin de les rendre très concrètes. Les contrats d’objectifs, de moyens et de performance soumis à une clause de conditionnalité (si les objectifs sont atteints) vont à terme couvrir la totalité de la SCSP (subvention pour charge de service public) qui comprend les salaires et le fonctionnement des universités. Des outils d’audit des « performances » vont permettre d’évaluer si les objectifs sont atteints. Ainsi le projet QUADRANT facilitera l’identification des formations qui nécessitent le plus d’être questionnées en fonction de leurs effectifs, leur taux de réussite ou le devenir de leurs diplômés » (rapport du Sénat juin 2025). Le projet de loi Baptiste (Projet de loi relatif à la régulation de l’enseignement supérieur privé) officialiserait l’introduction dans l’offre de formation nationale des filières privées au même niveau que les filières publiques.
Les ONR (organismes nationaux de recherche) ne sont pas oubliés. L’idée des « keylabs » n’a pas été abandonnée mais simplement mise en attente d’une autre expression. Le désengagement de l’Etat vis-à-vis des université passe aussi par le désengagement des ONR, entre autres par la généralisation de la délégation globale de gestion.
Comme on peut le noter, nous sommes chaque jour un peu plus loin des idéaux de transmission des connaissances et de progression des savoirs, considérés comme des biens communs.
IDEES-ESR octobre 2025
- à ce titre, Sorbonne Université a investi récemment 50 millions d’argent public pour la construction d’un hôtel à start-up géré par une entité de droit privé https://www.sorbonne-universite.fr/universite/cite-de-linnovation-sorbonne-universite ↩︎