Syndicat IDÉES-ESR syndicat Intercatégoriel, DÉmocratique, Egalitaire et Solidaire de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche

Non au démantèlement des UMR et du CNRS ! Non aux « keylabs » !

Le jeudi 12 décembre 2024, Antoine Petit, PDG du CNRS, a convoqué l’ensemble de ses directeurs et directrices d’unités du CNRS à la Maison de la Mutualité. Convoqués la veille pour le lendemain, seuls 500 des 860 directeurs et directrices d’unités mixtes du CNRS ont pu se rendre à cette convocation. Cette grand-messe avait essentiellement pour but d’annoncer la décision d’Antoine Petit d’attribuer à seulement 25 % des UMR dont le CNRS a la tutelle, le qualificatif de « key labs », et cela avant même que le Conseil d’Administration du CNRS ne se prononce, le 20 décembre, sur le contrat d’objectifs, de moyens et de performance avec l’état (COMP).

Ce qui a été déclaré : actuellement, 46 % des effectifs du CNRS sont dans 25 % de ces futurs laboratoires « key labs » ; le PDG du CNRS trouve cela trop « dispersé ». Le PDG du CNRS compte donc concentrer ses moyens sur des « laboratoires clé », qui seront ainsi labellisés pour des périodes de 5 ans, et il entend profiter des départs en retraite pour faire passer ces 46 % à un taux plus élevé, en l’occurrence 55 %.

En creux, cette annonce du PDG du CNRS, faite unilatéralement sans concertation avec les autres tutelles, en particulier universitaires, signifie que 75 % des unités de recherche (intégrant 54 % des personnels CNRS) seront sacrifiées pour que 25 % d’entre elles, appelées « keylabs », retrouvent juste les moyens qu’elles avaient il y a quelques années, en particulier leurs personnels de soutien à la recherche, ingénieurs, techniciens et administratifs (ITA). Pour ces 75 % des UMR universités/CNRS (et les 54 % de personnels CNRS), cela signifie ne plus jamais avoir de nouveaux postes d’ITA, plus de nouveaux postes de chercheurs CNRS, et des crédits récurrents CNRS devenus symboliques, voire nuls. Ces 75 % des UMR universités/CNRS devront dépendre essentiellement des seuls établissements universitaires qui les hébergent, en termes de soutiens financiers et en termes de postes, au moment même où toutes les universités de France sont exsangues, dans des situations financières plus que préoccupantes, parfois dramatiques.

Stricto sensu, on ne pourra donc pas dire que ces structures sont « désUMRisées », elles sont juste… laissées en déshérence. Le sens de la nuance est important lorsque l’on utilise la tronçonneuse.

Face à cette décision aussi spectaculaire qu’unilatérale, les universités françaises, qui sont le plus souvent « l’autre tutelle » de ces UMR, ont réagi : « France Universités » a annoncé sa décision, après la tenue de son conseil d’administration, de « suspendre toute discussion » avec le CNRS au sujet des « key », le vendredi 20 décembre 2024. Les universités françaises ont jugé les annonces du CNRS « unilatérales » et, en tant que « partenaires des UMR », ont exprimé leur « désaccord ».

On notera que tout le processus a été effectué de main de maitre : les instituts du CNRS, qu’ils adhèrent à cette politique ou qu’ils la déplorent, ont été chargés, dans les six derniers mois et dans le secret le plus absolu, de faire le tri sélectif des UMR. Les listes sont maintenant verrouillées, mais restent secrètes. Elles seront présentées aux universités dans leurs conseils en février pour simple avis, sans grande marge de négociation.

Ce peu de considération pour les tutelles universitaires fait écho au peu de considération pour l’avis de la communauté des ITA et chercheurs du CNRS. À cet égard on peut noter qu’un sondage a été effectué par l’Assemblée des directions de laboratoires (ADL) auprès des directrices et directeurs d’unité : sur 434 directions d’unités (plus de la moitié des unités), 336, soit 78,5 % déclarent être défavorables à la mise en place du nouveau dispositif « keys-labs » au CNRS.

L’ensemble des personnels peut craindre toutes sortes de turbulences : gestion administrative et budgétaire basculée sans ménagement sur des universités appauvries, regroupements forcés d’unités, perte de la capacité à décider de ses choix de recherches, pouvant aller jusqu’à une mise sous tutelle, sous la férule des « keylabs » proclamés « tête de réseau » ou « grands coordinateurs », voire un désengagement de la recherche au profit de l’enseignement, avec par exemple la mise en place de la modulation de service pour les enseignant-chercheurs, inscrite dans la loi LRU.

On ne peut que s’étonner qu’une telle démolition de la recherche fondamentale française s’effectue avec autant de rapidité, de brutalité, d’opacité, et d’arbitraire au moment même où la France traverse une crise politique majeure, avec une succession de gouvernements éphémères. Dans un tel contexte, où, de surcroit, le PDG du CNRS est en fin de mandat, quelle est la légitimité politique pour imposer à la hussarde des changements aussi destructeurs ?

On se rappelle du ballon d’essai qu’avait lancé Antoine Petit l’année dernière, avec sa volonté exprimée de « dés-UMR-iser » toute unité ayant moins de 15 chercheurs CNRS en son sein. Ceci aboutissait déjà à plus de la moitié des unités « dés-UMR-isées ». Avec cette annonce, nous sommes face à un véritable démantèlement du CNRS, contre la volonté des personnels, contre la volonté des directeurs et directrices d’unités, et contre la volonté des universités.

Nous nous opposons donc à la mise en place de cette politique des « key-labs » au CNRS.

Nous appelons les personnels à s’organiser collectivement.

Nous appelons à demander la démission d’Antoine Petit et invitons à signer la motion de défiance en cours : https://framaforms.org/motion-de-defiance-pdg-cnrs-1736518552

IDÉES-ESR

Janvier 2025