« Il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns et l’eau potable pour tous. »
Thomas Sankara
Le pouvoir exécutif vient de décider une révision du budget de l’Etat, pour une baisse totale de 10 milliards d’euros. Cette décision prend la forme d’un décret, donc sans débat au Parlement. Elle intervient dans un contexte d’explosion des inégalités : en 2023, les actionnaires du CAC 40 ont encaissé 100 milliards d’euros de dividendes (soit +20% par rapport à 2022, ce qui représente les 2/3 du déficit budgetaire de 2024, voir ici). Par ailleurs, l’INSEE comptabilise 14,5% de la population sous le seuil de pauvreté, du jamais-vu depuis 1996. Ainsi, pour une large part de la population, ces coupes budgétaires annoncées vont directement aggraver les difficultés d’accès aux services de base : santé, éducation, logement, chauffage, transport. Cela vient s’ajouter aux réformes récentes du système de retraites, de l’assurance chômage et des conditions d’accueil des étrangers, réformes qui sapent toujours plus les droits sociaux fondamentaux, et mettent le marché du travail à la disposition plus exclusive du patronat.
Pour l’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR), la baisse totale est de 900 millions, avec notamment -80 millions pour le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », -125 millions pour le programme 231 « Vie étudiante », et -383 millions pour le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ». Rappelons d’autre part qu’en septembre dernier, la ministre Retailleau évoquait la possibilité de piocher dans les fonds de roulement des universités, qui représenteraient une manne non utilisée.
Pourtant, les gouvernements qui se succèdent depuis 40 ans pour appliquer la même politique d’austérité budgétaire ne regardent pas à la dépense pour financer des mesures qui visent :
- A baisser la fiscalité des plus riches et des entreprises , sans contrepartie en termes de régulation de leur production ou de conditions de travail de leurs salariés. Exemples : la baisse de la TVA sur la restauration (Sarkozy); le Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi (CICE), dont le coût cumulé pour 2013-2019 aura été de 100 milliards d’euros, la flat tax de 30 % sur les revenus de l’épargne et du capital, votée pendant la première année du premier mandat de Macron.
- A subventionner avec l’argent public un modèle techno-industriel intenable , pour une course effrénée à la croissance et à l’accélération. Exemples :
- la Politique Agricole Commune (PAC), qui profite avant tout aux multinationales agro-industrielles BASTA (Bigard, Avril, Savéol, Téréos, Agrial).
- l’augmentation massive (20 milliards d’euros en 2022) de “l’aide publique” aux entreprises qui emploient des apprentis, ce qui n’est autre qu’un financement de leur rémunération par l’Etat, à la place des entreprises qui exploitent leur travail pour les former.
- les multiples injections d’argent public à la trésorerie d’EDF (dont les chantiers EPR sont des fiascos financiers, comme Flamanville qui affiche un coût de 13,2 milliards d’euros, au lieu de 3,3 milliards prévus initialement)
- le soutien direct ou indirect à l’industrie d’armement, comme par exemple les investissements publics annoncés en mars 2024 pour développer l’intelligence artificielle dans le domaine militaire.
- … Sans oublier les Jeux Olympiques de Paris en 2024, prétendue “grande fête populaire”,mais qui seront plutôt un événement spectaculaire à la gloire de la compétition et des sponsors McDonalds, Coca-Cola et consorts. Un événement sous surveillance numérique,qui préempte l’espace collectif, et dont les infrastructures bientôt inutiles pourrissent déjà la vie de milliers de gens. Le déroulement même des JO s’annonce aussi mal pour les habitants à proximité (ainsi pour ce qui concerne l’ESR, les étudiants se voient chasser de leur logement CROUS pour permettre de loger les participants aux JO).
A l’inverse, nous revendiquons les mesures suivantes dans l’ESR :
- Instaurer une rémunération maximale, pour empêcher le versement de primes démesurées (Exemple : les 10 plus hautes rémunérations à Sorbonne Université totalisent 1,5 millions d’euros en 2022 – voir le top 10 de chaque établissement public ici).
- Tendre vers l’égalité de rémunération de tous les personnels de l’ESR.
- Supprimer le Crédit Impot Recherche (coût estimé à 6 milliards d’euros/an par la Cour des Comptes 2014, soit à peu près le double du budget du CNRS, alors qu’il présente « une incertitude […] sur son efficacité et son ciblage »), les agences de financement (type ANR), les « fonds d’innovation » (= organismes de financement public pour les startups).
- Arrêter les grands projets inutiles, type Paris-Parc sur le campus Jussieu
- Reverser les fonds récupérés aux budgets des universités et organismes de recherche, pour l’emploi pérenne, la rénovation du bâti, la vie étudiante.
IDÉES-ESR, Mars 2024